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Animer un groupe Whatsapp avec ses apprenants et apprenantes
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Cette année, j’ai eu l’occasion de travailler avec l’équipe du centre alpha Colonne, de Lire et Ecrire Bruxelles, autour de l’utilisation des nouvelles technologies dans le cadre des formations et de leurs effets non seulement sur les apprentissages, mais également sur la vie quotidienne des apprenants et apprenantes. Entre autres expériences, celle de Montse m’a semblé intéressante à relever car elle s’inscrit dans nos réflexions actuelles autour de l’utilisation du smartphone avec nos groupes d’alphabétisation.

Son groupe justement : une douzaine de femmes entre 30 et 60 ans, peu ou pas du tout scolarisées. Certaines parlent de façon très fluide et ont des difficultés à la lecture ou l’écriture et d’autres c’est l’inverse : elles savent lire et écrire sans comprendre réellement le sens. De façon générale, le groupe est identifié « Oral 2 Lecture 2 Ecriture 2 ».

Montse, comment a commencé cette expérience d’utilisation de Whatsapp avec ton groupe ?

L’idée est venue peu de temps après le début des cours, lorsque l’on met en place le règlement et les objectifs à atteindre. En début d’année, on se met d’accord sur les règles que l’on se fixe pour rendre possible le travail en groupe. Chacune dit ce qu’elle en pense et si c’est possible pour elle de respecter ces règles ou pas, comment font celles qui y arrivent… Ensemble nous voyons s’il y a des choses à modifier pour que les règles puissent être respectées par toutes, moi comprise. Je leur ai ensuite demandé quelles étaient leurs attentes vis-à-vis de moi.

Parallèlement, je leur ai communiqué mes attentes par rapport au groupe. Au cours de cette activité, plusieurs femmes ont exprimé leurs insatisfactions suite aux absences de la formatrice précédente et des participantes, et de l’impact que cela a eu sur leur motivation. Une apprenante m’a informée qu’elles avaient créé un groupe sur Whatsapp avec la formatrice précédente afin de communiquer les absences dans le groupe.

Comme les participantes possédaient toutes un smartphone avec l’application Whatsapp installée, nous avons décidé de reprendre le groupe de discussion. Je leur ai demandé pourquoi et comment elles utilisaient la messagerie. Elles ont échangé et partagé leurs connaissances de l’utilisation du smartphone en général et de cette application en particulier. J’ai estimé que c’était une belle opportunité qui s’offrait au groupe. Petit-à-petit, le groupe whatsapp s’est mis en place et celui-ci a contribué à créer un vrai esprit de groupe.

Quelles activités as-tu mises en place autour de la messagerie ?

Chercher le sens des mots pour comprendre un message et vérifier que ce que je dis est bien ce que je veux dire. Prendre le temps de faire les choses et se donner les moyens d’y arriver.
Je recevais beaucoup de messages et j’ai constaté le nombre important de fautes d’orthographe, exceptés dans les messages écrits par leurs enfants. J’ai proposé au cours d’une séance de relever ensemble les messages les plus courants et je les ai notés au tableau afin de faire un mémo qu’elles pourraient coller sur leur frigo (voir illustration). Nous avons aussi vu que lorsque l’on écrit un mot plusieurs fois celui-ci reste enregistré dans le gsm, ce qui facilite l’écriture des messages par la suite.

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Dans le cadre de la Journée internationale des droits des femmes (le 8 mars), l’association avait prévu une série d’activités. Le groupe devait choisir une lutte collective parmi 10 luttes proposées. Après lecture et discussion, nous avons choisi le collectif Nasawiya. (Il s’agit d’un groupe de femmes libanaises qui se battent pour arrêter la violence faites aux femmes dans la rue. Elles ont notamment organisé la plus grande marche dans la capitale pour l’adoption d’une loi sanctionnant les coupables.)

Nous avions 2 semaines pour comprendre le projet, écrire un texte et le présenter. La date approchant à grands pas, nous avons cherché ensemble un moyen pour être prêtes : nous avons enregistré le texte à présenter, et nous avons partagé le fichier audio via Whatsapp. Les participantes étaient très contentes de pouvoir l’écouter à la maison, de travailler à leur rythme de façon autonome. Le jour de la présentation une participante s’est ainsi sentie capable de présenter cette lutte au micro face à un public nombreux.

Par ailleurs, une autre utilité de l’application s’est présentée lorsqu’une participante a envoyé, via Whatsapp, une invitation à venir manger chez elle. L’invitation lue, nous avons organisé le rendez-vous. J’ai créé un autre groupe, sans elle, pour l’organisation. Après plusieurs échanges entre nous, nous avons décidé de faire une cagnotte pour remercier notre hôte. Par la suite je leur ai demandé de recopier l’invitation en utilisant chacune son prénom et son adresse, afin de conserver un modèle. Cet exercice m’a permis aussi de constater que la plupart ne connaissaient pas leur adresse. A partir de là, j’ai créé quelques activités pour se repérer dans l’espace: lecture de carte de l’Europe, de la Belgique et des communes bruxelloises.

Que retires-tu de cette expérience ?

Il m’a parut intéressant d’exploiter l’application Whatsapp pour que certaines se familiarisent avec les nouvelles technologies ; cette application est une source à exploiter car elle touche beaucoup d’aspects de l’apprentissage du français, de la lecture, de l’écriture et de la communication en général, sans la pression que peut représenter l’école ou le recours à des écrits plus formels.

Cette expérience avec le groupe m’a réconfortée dans mon métier. Au début je me posais beaucoup de questions sur cet outil et l’interaction avec les participantes, mais leur enthousiasme et les évaluations m’ont permis de constater l’évolution, aussi bien de leur côté que du mien. Nous avons vu l’avantage de travailler autour d’un projet commun. Le but ultime étant aussi de devenir autonomes et ne pas dépendre de quelqu’un pour écrire un message simple. Cet exercice nous a permis de créer un lien fort au sein du groupe. Lors d’une grève, j’ai reçu plusieurs messages la veille pour me prévenir qu’elles seraient absentes, deux personnes m’ont dit : j’ai vu que beaucoup ne viendraient pas donc je suis venue. A une autre occasion une personne m’a dit : « J’allais m’absenter parce que mon fils est malade, j’ai lu les messages et comme il y a beaucoup d’absences j’ai dit à mon mari que je devais venir à l’école. »

J’ai remarqué que l’application Whatsapp a vraiment été un moteur dans l’implication aussi bien sur le plan pédagogique, que sur le plan personnel, chacune a trouvé sa place et reste liée à la formation même en cas d’absence. D’ailleurs, une fois l’année finie, le groupe a continué à vivre sur Whatsapp, avec de nombreux messages échangés à l’occasion de la Coupe du monde de football.
Je compte bien poursuivre l’exploration des possibilités qu’offre cette messagerie.

A suivre…

A lire également, l’article publié dans le Journal de l’Alpha à propos de cette expérience.

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